Le financement n’est pas une subvention
Face à une conjoncture plus que jamais incertaine et particulièrement instable, les dirigeants que je reçois tous les ans depuis plus d’une décennie sont pour la plupart déboussolés. Il est vrai que nous sommes face à une situation qui s’apparente à « du jamais vu ». Choisir entre la santé de leur entreprise ou de leurs salariés ou tout du moins concilier honnêtement l’une et l’autre : voilà le défi de nos entrepreneurs au XXIème siècle.
Dans le chaos actuel, une lueur. Celle de l’État Providence, qui déversera un flot massif de liquidité pour éviter tout dépôt de bilan, tout licenciement. 300 Milliards et plus s’il le faut. Une Banque Centrale qui emboite le pas. 750 Milliards et plus s’il le faut.
Liquidité bien sûr, mais prêt ou subvention ?
Dans le cas du prêt, comment ne pas se poser la question de son remboursement. Dans le second, comment imaginer un tel cadeau sans évoquer l’hélicoptère monétaire, d’ailleurs remarquablement exposé par Jean Peyrelevade il y a quelques jours (chronique des Échos du 24 Mars 2020).
Pour ceux qui douteraient de l’ampleur de la crise actuelle et des remèdes mobilisés, donnons quelques chiffres, dont trois éléments principaux doivent attirer notre attention.
Le premier provoquera l’explosion des garanties de l’Etat, BPI inclus. Les 300 Milliards de nouveaux prêts que cet organisme s’apprête à garantir, représentent en effet, non moins de 34 ans de production annuelle moyenne (8,7 Milliards d’après le dernier rapport annuel de BPI).
Le second aggravera durablement le taux d’endettement brut des entreprises. La projection de ce potentiel supplément de dettes conjuguée à une contraction du PIB de l’ordre de 6% amènerait leur taux d’endettement à fluctuer de 74% actuellement vers 95% en fonction de la nouvelle liquidité amenée.
Données issues de la production des encours BDF + Titres – source Banque de France
Le troisième entraînera une asphyxie des réseaux bancaires qui devront augmenter leur production de crédit de 100% en quelques mois. Comment ne pas imaginer une automatisation des traitements qui laisserait sur le côté nombre d’entreprises, déjà fragilisées.
Ne sommes nous pas en train d’hypothéquer nos capacités futures ? Tant celles de notre système de financement que celles de nos entreprises ? Quelle compétitivité entretenir avec notre premier partenaire, l’Allemagne dont le taux d’endettement des entreprises est seulement de 41% (soit un écart de 33%, avant coronavirus) ?
Alors…, raisonnablement, peut-on envisager le remboursement de cet amoncellement de dettes ?
Nous avons été laxistes. Cet attentisme pourrait nous coûter cher.